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- L'avis des enseignants sur les principes des réformes
Par Laurent Frajerman, professeur agrégé d'histoire, chercheur associé au Cerlis (Université Paris Cité) Cette rentrée scolaire très particulière, avec une ministre démissionnaire, est l'occasion de revenir sur les fondements des politiques éducatives, de se focaliser sur les aspects structurels. Comment les enseignants appréhendent-ils les principes des réformes ? Les professeurs du secondaire et du primaire se distinguent-ils encore sur cet aspect ? Ce post est issu d'un document de travail de mon Habilitation à Diriger des Recherches (en cours ). Des professeurs pragmatiques Les enseignants, sur le terrain, ne se reconnaissent pas dans les couples antagoniques innovation/tradition, éducation/instruction, égalité/mérite, bienveillance/exigence. Ils s’avèrent très éloignés des théories, et très pragmatiques. Il était difficile d'obtenir une réponse à la question "Pour vous, c’est quoi être enseignant ?", destinée à recueillir les valeurs générales des professeurs, à situer leur rapport à l’élève. L'équipe de Militens a constaté qu'ils ne théorisaient pas ces aspects, dans leur majorité. Fabienne [1] (32 ans, agrégée d’anglais en collège, non syndiquée) nous donne une définition remarquablement neutre et floue de ses valeurs éducatives : « Essayer de faire en sorte que tout le monde progresse, d’une façon ou d’une autre . Essayez d’apporter quelque chose à nos élèves quels qu’ils soient. ». Comme en écho, Hortense semble regretter son manque de « dogme » sur les pratiques pédagogiques : « c’est affreux d’en arriver à ce constat-là après tant d’années, ce sont d’abord des qualités individuelles qui font l’enseignant » (55 ans, certifiée de lettres en collège, syndiquée au SNES). Ainsi, si le Socle Commun des Connaissances et des Compétences, instauré en collège par François Fillon en 2005 dans le but de supplanter la logique disciplinaire et de rapprocher premier et second degré, a suscité un rejet massif, celui-ci était moins motivé par des raisons idéologiques que par son caractère descendant et inapplicable (Lantheaume et Simonian, 2012). L’éclectisme des professeurs est un phénomène ancien : le début du XIXe siècle est marqué par le conflit entre les modes simultané et mutuel, mais en pratique, on constate un « éclectisme pédagogique fréquent » (Chapoulie, 2010, p. 50). Etudiant les dispositifs pédagogiques concrets, Stéphane Bonnéry constate que malgré des discours opposés, les six enseignants observés « mettent en œuvre des dispositifs qui convergent » (Bonnéry, 2009). Dans sa thèse, il constate que ce qui s'observe le plus souvent dans les classes est un mélange entre pédagogies anciennes et récentes, pédagogies pour tous et "adaptées" aux difficultés réelles ou supposées des élèves (Bonnéry, 2007). Lire aussi : Tribune de Laurent Frajerman dans Le Monde , 31 mai 2022 : « Espérons que le nouveau ministre de l’éducation se rendra à l’évidence : tout ne peut pas se gouverner par les nombres » Pour ou contre le modèle officiel qui sous-tend les réformes ? Un clivage oppose les partisans et les défenseurs du nouveau modèle officiel de professionnalité, pensé comme la reproduction fidèle de techniques conçues par des experts, les pratiques étant modifiées en fonction de l’évaluation des performances des élèves. Ce modèle accorde une place centrale à l’investissement dans l’établissement, au travail en équipe sous l’autorité des hiérarchies de proximité. Pour l’instant, celui-ci est loin d’avoir convaincu la majorité des professeurs. En 2002, quand on interroge les professeurs du second degré sur ce qui est le plus satisfaisant dans leur métier, ils répondent en second « le fait de transmettre des connaissances (68 %) et en troisième le « contact permanent avec une discipline qu'on aime » (62 %) (Sofres / SNES). Le questionnaire Militens montre que les éléments concrets de ce modèle sont toujours désapprouvés. Lorsqu’on leur demande de hiérarchiser les définitions d’un bon professeur, les items valorisés par les prescriptions officielles sont relégués en fin de classement (« savoir travailler en équipe », « être innovant » et en dernier « développer des projets, communiquer à leur sujet »). Ces items valorisent la norme d’un enseignant organisateur, travaillant en réseaux et sachant communiquer sur ses projets. Ils sont surpassés, même chez les professeurs des écoles - souvent présentés comme plus ouverts à la novation pédagogique que ceux du second degré - par les définitions traditionnelles (ex aequo « être capable de bien expliquer le cours, maîtriser les sujets abordés » et « avoir une bonne relation avec ses élèves »). Sont plébiscitées des notions-valises, comme la capacité d’expliquer le cours, qui ne préjuge en rien de la méthode employée, ou un item connoté comme conservateur, mais qui correspond au quotidien des professeurs : « savoir mettre les élèves au travail ». J'ai construit un indice synthétique regroupant des questions emblématiques des normes pédagogiques officielles de l'époque (Gabriel Attal a impulsé une inflexion vers un discours moins "bienveillant" envers les usagers, mais l'essentiel reste), telles que le travail en équipe, l'importance de la formation continue. Le questionnaire ne mentionne pas la compatibilité de certaines réponses avec les normes officielles, cet indice est le fruit d’un raisonnement postérieur, les répondants n'ont donc pas été influencés. 60% des professeurs des écoles contestent ces normes (- 10 points par rapport aux professeurs de lycée et collège, ce qui est cohérent avec les observations sociologiques). Au moyen d’une régression logistique, j’ai déterminé le profil moyen de l’enseignant du second degré hostile à la pédagogie officielle : un professeur jeune ou au contraire âgé, qui voit la fréquence des réunions comme une difficulté, qui avait la vocation du métier, rarement conflictuel, syndiqué ou ex syndiqué. Enfin, sa sociabilité est fréquente ou au contraire rare. Ces résultats dessinent un paysage éclaté des oppositions aux nouvelles normes pédagogiques, ce qui en rend plus difficile l’interprétation. Si le refus des réunions fait consensus, on voit coexister un public qui ne semble pas vouloir s’investir davantage (sociabilité rare, âge élevé), et/ou qui fait preuve de scepticisme (faible conflictualité, qui ne signifie pas forcément adhésion aux politiques éducatives, mais plutôt l’emploi de l’arme de l’inertie), avec un public qui s’intéresse à l’éducation, mais en portant d’autres valeurs (les syndiqués, les professeurs sociables et vocationnels) ou ayant fait l’expérience d’une inadéquation de ces normes avec ce qu’ils estiment être leurs besoins (les ex syndiqués, les jeunes). Ainsi les deux tiers des enseignants ne se retrouvent pas dans les fondements des politiques éducatives menées depuis plusieurs décennies, ce fait explique la récurrence et la force de leurs mobilisations sur les diverses réformes. Sera-t-il intégré par le nouveau gouvernement ? Lire aussi : Tribune de Laurent Frajerman dans Le Monde , 8 décembre 2020 : « La défiance des enseignants envers leur ministre est un handicap pour ses réformes » [1] Militens , Interview Laurent Frajerman, 31 mars 2015
- Les enseignants et la réforme Attal. Hétérogénéité, redoublement, compétences...
Avertissement : ce billet n'a pas pour vocation de délivrer un avis global sur le projet de réforme présenté par Gabriel Attal, de commenter sa faisabilité ou l'atteinte à la liberté pédagogique (manuels d’Etat, méthode précise d’enseignement des mathématiques à l'école primaire). Je m’intéresse ici à la réception de son discours parmi les enseignants. C'est l'occasion de faire le point sur des enjeux fondamentaux du système éducatif. Sommaire : L'avis des enseignants sur l’hétérogénéité, les classes de niveau L'avis des enseignants sur le redoublement L'évaluation par compétences, le dispositif le moins critiqué Conclusion Gabriel Attal vient d'annoncer un train de mesures conséquent pour réformer l'Education Nationale, qui ont suscité l'approbation des français et la critique des experts éducatifs et des syndicats. Il opte clairement pour un système scolaire plus sélectif, au nom de la qualité, d’un enseignement exigeant. Rappelons certains points essentiels : mise en place de groupes de niveaux au collège en français et mathématiques, ce qui limite l’hétérogénéité (mais ne la fait pas disparaitre au niveau des classes) facilitation du redoublement, notamment à l’école primaire, confié aux équipes pédagogiques retour des notes comme base de l’évaluation Ces choix sélectifs seraient couplés à des mesures compensatrices : effectifs moindres dans les niveaux faibles, stages durant les vacances scolaires et classe de préparation à la seconde pour ceux qui échouent au brevet. La réaction favorable de l'opinion était prévisible, la majorité des mesures phares de cette réforme étaient populaires, selon des sondages précédents. Avec les enquêtes internationales, plus personne ne conteste la baisse du niveau des élèves français, même pour les meilleurs. Cela crédite le discours sur le nivellement par le bas : Par opposition, la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem était majoritairement rejetée par l'opinion publique et les enseignants. Celle-ci se basait sur un tout autre référentiel : offensive contre les matières considérées comme élitistes (latin, allemand, etc.) pour assurer un enseignement uniforme, vu comme le gage d'une démocratisation du système scolaire, promotion systématique de l'évaluation par compétence à la place des notes, interdisciplinarité etc. Deux camps se dessinent donc, très classiques. Mais comment se situent les acteurs de terrain dans ce débat, ceux qui sont au cœur du système, et sans lesquels rien ne se fait ? Si aucun sondage ne permet d'estimer l'adhésion actuelle des enseignants à l'un d'entre eux, des enquêtes ont testé par le passé leur opinion sur les mesures phare du projet Attal, dont le questionnaire scientifique Militens (2017, dirigé par LF). Lire aussi : Tribune de Laurent Frajerman dans Le Monde, 31 mai 2022 : « Espérons que le nouveau ministre de l’éducation se rendra à l’évidence : tout ne peut pas se gouverner par les nombres » L'avis des enseignants sur l’hétérogénéité, les classes de niveau Les politiques éducatives, depuis les années 1960, ont progressivement favorisé la scolarisation de tous les élèves du même âge dans une structure identique, censée délivrer le même enseignement. En conséquence, les classes ont été marquées par une hétérogénéité croissante, qui n’a cessé d’être critiquée par le corps enseignant avec son corollaire : la crainte d'un abaissement du niveau. Effet d’autant plus redouté que disparaissaient les répétiteurs, qui encadraient les élèves du secondaire dans leurs exercices et l’apprentissage du cours. Dès 1974, 71 % des professeurs et 66 % des instituteurs se montrent favorables aux groupes de niveaux, afin de s'occuper des élèves qui ont du mal à suivre, (sondage IFOP pour le ministère). En 2017 encore, le questionnaire Militens montre que cette question continue d'être ressentie par les enseignants comme un obstacle majeur dans leur travail. On ne note pas de différence entre les Professeurs des Ecoles (PE) et ceux du Second Degré (PLC). Si cela ne signifie pas un rejet du principe, son application pose tout de même question à 88 % des acteurs de terrain : Bernadette, 56 ans, directrice d’école, syndiquée au SNUipp-FSU, a un regard positif : « Il y a des élèves handicapés, et il y a à peu près la moitié de l’école qui vient d'une zone urbaine sensible. C'est une école dont le secteur est à cheval sur une zone qui pourrait être prioritaire, et puis une zone qui est tout à fait lambda. Donc ça fait une grande grande hétérogénéité, et une grande richesse finalement dans le public qu'on accueille. » Irène, 46 ans, certifiée de lettres en collège REP, syndiquée SNES-FSU, oscille entre ce qu’elle vit comme deux mauvaises solutions, vécues comme ingérables, du fait de la ségrégation spatiale et de la concurrence de l'enseignement privé (mais aussi de collèges publics voisins) : « Moi, quand j’ai commencé, il y avait la troisième d’insertion, des quatrièmes soutiens, des [enseignements] technologiques et tout. C’était quand même bien. C’était vraiment très bien. Mais ils ont gardé tout le monde au collège. (…) Je trouve que, bon au final, tout monde va aller en troisième, mais ouais… Parce que c’est vrai qu’ici ça devient ingérable ça, d’avoir tout le monde dans la même classe. (…) Et c’est le cas ? Tout le monde est dans la même classe ? Ou il y a des classes spécialisées ? Il n’y en a plus ici. Depuis que Madame X est arrivée cette année, il n’y en a plus. Avec le chef d’établissement d’avant, il y en avait. Moi, sur le papier je me disais : pourquoi pas. Parce qu’il fallait préserver un recrutement. On a un village à côté, là, où il y a un bon recrutement, et du coup ils vont tous dans le privé. Il fallait [éviter] ça. Donc faire des classes préservées. Mais au final, ça donnait quelque chose de tellement ingérable pour les autres que… Elle a remélangé, et ce n’est pas plus mal. Donc maintenant c’est une classe « mixte »… C’est équilibré. Oui. Oui. Oui. Tout à fait. Et ça, ça vous paraît difficile à gérer ? Bah en REP oui. Oui parce qu’on a trop de problèmes. (…) Au lieu d’en avoir quatre ou cinq qui gênent dans une classe, nous, on en a quatre ou cinq qui s’en sortent bien. Et du coup, même pour ceux-là, c’est compliqué. Ils perdent leur temps. Ils pourraient tellement faire des choses plus… Et moi, gérer l’hétérogénéité pour quelques-uns, oui, mais là, c’est trop. Mais c’est parce que le recrutement n’est pas respecté. » Recherche Militens, entretiens réalisé par Georges Ortusi en 2014 et Gérard Grosse en 2015 Irène refuse l'hétérogénéité tout en participant à la constitution de classes « équilibrées » dans son établissement. En effet, son choix est contraint parce qu'il se situe à ce niveau local, marqué par l’évitement de son collège REP. La sociologue Anne Barrère doute que le niveau local soit pertinent pour ces questions, qui relèvent d'enjeux de politique éducative nationale. Avec le développement d'un marché scolaire au détriment d'une école vraiment commune, l'Etat subventionne sa propre concurrence. L'enseignement privé change de nature : il est de plus en plus dédié aux milieux favorisés, qui y voient le meilleur moyen d'échapper aux contraintes de l'hétérogénéité, en concentrant du même coup les difficultés dans l'école publique, créant un cercle vicieux : Le symbole le plus fort de la dynamique unificatrice du système scolaire reste le collège unique, puisque la diversification en filières n’existait déjà pas dans l’enseignement primaire avant la réforme Haby de 1975, et s’est maintenue au lycée depuis. En 1999 (Ipsos), on constate que les enseignants concernés, qui ont vécu cette transformation, lui restent fortement hostiles : En 2017, 74 % de l’ensemble des enseignants approuvent l’idée de « supprimer progressivement le collège unique et autoriser l’apprentissage à partir de 14 ans » (sondage IFOP / SOS éducation). On constate donc que l’impopularité du collège unique croît avec le temps, loin de l’installer comme une évidence, un fait acquis. Les répondants préconisent une orientation précoce des élèves en difficulté vers l’apprentissage, autre manière de limiter l’hétérogénéité. On peut supposer qu’ils se positionnent en fonction de deux caractéristiques liées des politiques éducatives : uniformisation des structures (plus de filières séparées, par ex les anciennes quatrième professionnelle) et passage à la classe suivante presqu'automatique. Les enseignants se trouvent démunis devant les difficultés de compréhension de certains élèves. Ils constatent que plus les années de scolarité passent, plus l'échec s'enkyste, moins la notion de travail scolaire ne revêt de sens, générant quelquefois une attitude perturbatrice. Le ministre en tire argument pour justifier l'affectation de ces élèves dans le « groupe des faibles » : Gabriel Attal à France Info TV (le 6 décembre 2023) : Lire aussi : Tribune de Laurent Frajerman dans Le Monde, 14 novembre 2018 : « Le phénomène #pasdevagues doit sa force à l’agrégation de colères hétérogènes » L'avis des enseignants sur le redoublement La quasi suppression du redoublement constitue un bouleversement de notre système. A la fin des années 1960, il constituait la règle plus que l'exception : A partir des années 1980, le ministère s'engage dans une stratégie de lutte contre le redoublement. Le journal Le Monde évoque en 1991 le "malaise" des profs et de leurs syndicats : « "On a l'impression qu'on ne sert plus à rien dans les conseils de classe ", explique un professeur de collège où les taux de passage en seconde sont passés, en deux ans, de 38 % à 60 %. Et il interroge, approuvé par ses collègues : " Combien d'élèves se casseront la figure ? Combien sont envoyés au casse-pipe au lycée ? " Cette inquiétude est massive, unanime, spontanément évoquée par tous les enseignants de collège. » Mais le phénomène s'accélère. Une statistique ultérieure utilise un indicateur qui permet de mesurer le redoublement jusqu'au collège compris pour l’ensemble d’une génération : le retard en classe de troisième. En 2021, seulement 12 % des élèves arrivaient en seconde avec du retard. Soit un taux de redoublement global divisé par deux en seulement 8 ans ! Ce phénomène concerne tous les degrés du système : Ipso facto, le redoublement a changé de nature, ne concernant plus que des élèves en forte difficulté, qu'elle soit structurelle ou conjoncturelle. Signe de l'inversion des normes, le redoublement est désormais sollicité par les familles, sans garantie que l'institution ne l'accorde. Or, 68 % des enseignants se prononcent clairement contre cette évolution, ou au moins pour une pause dans celle-ci (Militens, 2017) : Curieusement, je n'ai pas trouvé de sondages qui posent cette question aux enseignants. Voici trois exemples qui illustrent différentes facettes de leur perception de la question : [Philippe, 59 ans, agrégé de mathématiques, militant local du SNES-FSU] « en seconde, j’ai trois élèves qui redoublent. Et quand je les observe je me dis quelquefois : ça ne sert à rien. Sauf que s’ils étaient passés, ils auraient été à la peine. Donc moi, l’idée que j’émettrai, c’est que… Si on les laisse passer, qu’on ne leur laisse pas le choix de n’importe quoi. |…] Qu’on leur laisse des portes ouvertes, mais qu’on leur ferme des portes. Bon. Après il faudrait que les parents et les élèves soient plus aussi à l’écoute de ce qu’on leur propose. Un bac pro, ce n’est pas nul. C’est une filière de réussite. » [Oleg, 38 ans, PE, ex syndiqué] « Je suis opposé [au redoublement], parce qu’on se rend compte que la plupart des gamins qui sont en difficulté scolaire, c’est parce que le soir à la maison, ils n’apprennent pas leurs leçons, ou ne font pas leurs devoirs. Et donc ça commencerait par ça. Pour progresser, il faudrait qu’il y ait un suivi plus poussé à la maison. » [Cécile, 39 ans, certifiée d'EPS , non-syndiquée] « Je trouve ça très compliqué, parce qu'autant les études ont montré que les redoublements n'étaient pas positifs, ça je suis tout-à-fait d'accord, après le souci c'est que..., je trouve hein personnellement, qu'on est en train de retirer les redoublements, ok, très bien, mais on ne met aucune procédure en parallèle pour aider l'élève […] j'ai vraiment l'impression qu'il y a une logique économique derrière, et pas une logique de l'enfant. Et le fait de pousser à ne pas redoubler... à un moment donné de toute façon y a une sélection qui sera faite, elle doit être faite, et elle ne sera pas à l'avantage de l'élève ». Entretiens effectués par Laurent Frajerman, Georges Ortusi et Camille Giraudon en 2015. Les enseignants cités se soucient aussi de l'effet sur le reste des élèves, le redoublement étant vu comme une barrière qui maintient le niveau global (Edmond Goblot, 1925). Le redoublement « servant aussi de pression sur les élèves, notamment en cas de comportements d’opposition dans la classe, les enseignants peuvent avoir l’impression qu’ils vont perdre une marge de manœuvre importante dans leurs relations quotidiennes avec [eux] » (Anne Barrère, 2017, p. 90). Deux éléments font consensus : le redoublement n'est pas une recette miracle, car il n'est pas personnalisé et peut donc générer ennui (du fait de la répétition) et découragement. De plus, les pronostics pessimistes en cas de passage se sont souvent avérés inexacts : des élèves peuvent être en échec une année et rebondir l'année suivante ; la politique hostile à celui-ci est largement dictée par des impératifs budgétaires. Comme le dit Cécile, l'argent économisé n'a guère été réinvesti dans des dispositifs permettant d'épauler les élèves en difficulté, (stages pendant les vacances, soutien scolaire personnalisé effectué par des professeurs etc.). L'évaluation par compétences, le dispositif le moins critiqué Dans l'enquête Militens, 33 % des PLC approuvent l'idée d'une imposition à tous de l'évaluation par compétences, au détriment des notes (les PE n'ont pas été interrogés sur cet item). Cette idée, qui comprend une forme de déni de la liberté pédagogique, n'est rejetée que par 44 % des répondants. Au collège, qui est le niveau dans lequel le ministère a réussi à diffuser ce nouveau mode d'évaluation, l'écart se resserre (38 % pour, 39 % contre). L'évaluation par compétences apparaît donc comme étant le changement du système éducatif le plus approuvé. Comment l'expliquer, alors que la majorité des syndicats développe un discours très hostile ? L’évaluation par compétence a en effet été présentée comme un outil managérial au service d’une redéfinition du métier enseignant et d’un affaiblissement des examens, permettant au patronat de s’affranchir des qualifications reconnues dans les conventions collectives. Je doute que le succès relatif de l'évaluation par compétence démontre une appropriation de la démarche sous-jacente (distinction compétences/capacités, adaptation personnalisée de l'enseignement en fonction du type de compétence non acquises etc.). L'argument principal des hiérarchies de l'EN, dont on peut supposer qu'il ait porté chez ces enseignants est plus simple : les compétences constituent une alternative aux notes, un moyen d'estomper la sélection scolaire, ou du moins de l'invisibiliser provisoirement. On peut interpréter en ce sens le soutien plus grand manifesté par les enseignants qui élèvent des enfants. Ils réagiraient en parents d'élèves, inquiets des effets anxiogènes de la compétition scolaire : Se lit : 43 % des PLC ayant un ou des enfants à leur domicile sont hostiles à la généralisation de l'évaluation par compétences, contre 50 % de leurs collègues. Cette compétition s'est pourtant estompée fortement. En 2022, 59 % des bacheliers, toutes filières confondues, ont obtenu une mention "assez bien", "bien" ou "très bien". Ils étaient moins de 25% en 1997... L'avis des enseignants sur les compétences est également influencé par leur modalité d'entrée dans le métier. Ceux qui sont entrés par une longue période de précarité, après avoir échoué aux concours, adhèrent moins aux valeurs méritocratiques incarnées par les notes : Se lit : 39 % des PLC ayant exercé plus de cinq ans comme non titulaires sont favorables à la généralisation de l'évaluation par compétences contre 30 % de ceux recrutés par concours externe. Ce clivage se retrouve dans le parcours scolaire. Les anciens bons élèves sont plus favorables au système de notation : Se lit : 37 % des PLC ayant obtenu le bac sans mention sont hostiles à la généralisation de l'évaluation par compétences, contre 46 % de leurs collègues détenteurs d'une mention Bien ou Très Bien. A lire aussi, ce post complémentaire : "Réforme Attal : le hiatus entre les enseignants et la recherche dominante en éducation" Résumé : La recherche dominante en éducation invalide redoublement et classes de niveaux. L’avis des professionnels de terrain est marginalisé par une vision objectiviste de l'éducation, qui confisque le débat démocratique. La recherche dominante, notamment en économie de l'éducation, doit adopter une posture plus modeste et intégrer les recherches qualitatives. Elle aboutit souvent à des résultats flous, qu’elle transforme en impératifs pour les décideurs. Les méta-analyses peuvent aussi être l'objet d'un regard critique, particulièrement dans des contextes complexes et multifactoriels comme la pédagogie. Ainsi, l'hétérogénéité est relative et doit être évaluée selon son application (à quel âge ? Pour tous les jeunes ou une partie seulement ?). Conclusion Une tendance lourde des politiques éducatives, qui explique de nombreux choix « pédagogiques », est la rationalisation budgétaire : baisse des salaires des enseignants, limitation du redoublement, chasse aux options dans le second degré et aux RASED dans le premier degré, suppression des dédoublements de classe inscrits dans la réglementation (par exemple, l'éducation civique en 1/2 groupe), au nom de la souplesse et de l'initiative locale. Dans ce cas, officiellement, les établissements ont toujours la latitude de créer de tels groupes à effectifs réduits, mais en prenant dans une enveloppe globale qui se réduit d'année en année et sans qu’un nombre maximum d’élèves ne soit prévu. Ainsi, le dispositif de soutien scolaire « devoirs faits » s’est souvent effectué en classe entière. On comprend que la France dépense 1 point de moins du PIB pour l'éducation qu'en 1995. Si on appliquait aujourd'hui les ratios en usage à l'époque, la Dépense Intérieure d'Education augmenterait de 24 milliards €, dont 15,5 milliards € pour l'Etat. Sans compter les dépenses transférées sur le budget spécifique à l'Education nationale depuis cette période : 400 millions € pour les gratifications pour les stagiaires (au lieu que le patronat ne les paye), 160 millions € pour le Service National Universel (qui autrefois aurait été intégré au budget de la Défense), 519 millions € pour le Service Civique (si on le considère comme une mesure de traitement social du chômage qui devrait relever du ministère du Travail) Ces calculs mériteraient d'être affinés, mais ils donnent à percevoir le sous-investissement chronique. On peut établir un lien direct avec la régression du système scolaire français dans les classements internationaux (PISA, TIMSS et PIRLS) : Gabriel Attal ne revient que sur le redoublement, et en partie sur les demi groupes. Son projet sépare en effet les classes au collège entre un tronc commun et deux matières, français et mathématiques, enseignées en groupes de niveau. Seul le groupe le plus faible serait dédoublé. On est loin de la solution idéale aux yeux des enseignants, dont 94 % souhaitent « alterner davantage travail en classe entière et en petits groupes » afin de « faire réussir tous les élèves » (sondage OpinionWay, 2014). Dans les entretiens, on ne perçoit pas de remise en cause globale du modèle de démocratisation scolaire discount en œuvre depuis 50 ans, mais plutôt un grand pragmatisme, un rejet des idéologies. Il était difficile d'obtenir une réponse à la question "Pour vous, c’est quoi être enseignant ?", destinée à recueillir les valeurs générales des professeurs, à situer leur rapport à l’élève. L'équipe de Militens a constaté qu'ils ne théorisaient pas ces aspects, dans leur majorité. En revanche, le questionnaire Militens montre clairement que les éléments concrets de ce modèle, tels qu'ils ont été appliqués durant ces dernières décennies, sont désapprouvés par une majorité. J'ai en effet construit un indice synthétique regroupant des questions emblématiques des normes pédagogiques officielles de l'époque, telles que le travail en équipe, l'importance de la formation continue etc. (voir annexe) 60% des PE contestent ces normes (- 10 points par rapport aux PLC, ce qui est cohérent avec les observations sociologiques). Cette critique concrète des politiques de démocratisation des dernières décennies signe pour moi leur panne, plus qu'un rejet total. Le redoublement comme les classes de niveau sont devenus l'exception. De ce fait, ces pratiques ont changé radicalement de nature. Les recherches vieilles de 25 ans ou plus ne peuvent rendre compte de cette réalité. Les enseignants ne veulent sans doute pas de retour en arrière, mais souhaitent plutôt une pause. A mon sens, remettre le redoublement sous la responsabilité des équipes enseignantes ne risque pas de provoquer une hausse spectaculaire de celui-ci. Plus probablement, les enseignants aspirent à reprendre la main sur les décisions d'orientation, non pas tant dans un esprit sélectif, que quand ils sont confrontés à des situations problématiques. Et pour réaffirmer que l'école est un lieu dédié au savoir... Lire aussi : Tribune de Laurent Frajerman dans L'Humanité, 7 mai 2013 : « L’accompagnement, un levier pour enrichir les pratiques enseignantes » Annexe La cohérence de l'indice de réception de la "pédagogie officielle" est attestée par le test Alpha de Cronbach, = 0,68. Discrétisation par les seuils observés, d'égale amplitude pour les 3 premiers.
- Réforme Attal : le hiatus entre les enseignants et la recherche dominante en éducation
Avertissement : ce billet complète le post suivant : "Les enseignants et la réforme Attal. Hétérogénéité, redoublement, compétences..." Sommaire : La magie du chiffre Les méta-méta analyses Un cas : l’hétérogénéité des classes De nombreux commentaires affirment que la science invalide le redoublement et les classes de niveaux, et s'interrogent sur l'incapacité des acteurs à le comprendre. Or le sociologue Romuald Normand s'élève dès 2003 contre : « une conception objectiviste de l’éducation dont on commence à évaluer les effets pervers sur le management des écoles et les pratiques pédagogiques. En fait, cette confiance excessive dans les conclusions d’une expertise tend à confisquer le débat démocratique en empêchant une réflexion collective sur le projet politique de l’école. » En effet, un débat traverse le champ scientifique, qui a tendance à être nié par les prises de position dominantes, qui ont tendance à confondre sciences dures et sciences sociales. Comme l'explique l'historien Guy Lapostolle : "Une bipartition existe bien au sein du champ des sciences de l'éducation entre d'une part, les chercheurs qui sont au service d'une expertise susceptible de guider les politiques éducatives et d'autre part, des chercheurs qui sont davantage dans une posture de méfiance à l'égard de cette expertise. Quand les premiers s'accommodent volontiers du triomphe de cette valeur qu'est l'efficacité, de l'usage généralisé de la notion de compétence, les seconds se désolidarisent de cette demande d'expertise qui appelle à des évaluations chiffrées, à la mesure de l'efficacité des dispositifs qui sont mis au service des politiques ou encore de l'efficacité des enseignants, quelle que soit par ailleurs la subtilité avec laquelle les premiers la construisent." Ainsi, une chercheuse belge, Sabine Kahn, a mené une belle étude de sociologie compréhensive sur le redoublement, en montrant la rationalité des acteurs et en appelant à "considérer les contraintes de la pratique enseignante". Le SNES-FSU s'était d'ailleurs élevé contre "l’approche scientiste" du ministère Blanquer et la prétention de son conseil scientifique, toujours en place, de dicter les pratiques enseignantes. La magie du chiffre Il me semble en effet que la recherche dominante, notamment celle d'économie de l'éducation, devrait adopter une posture plus modeste, dans la lignée du « Je sais que je ne sais rien » de Socrate. D'abord, parce que l'erreur est humaine, et les résultats unanimes rares. Ainsi, plusieurs études présentées comme des preuves indubitables se caractérisent par des méthodologies dont l'économiste Marion Oury affirme qu'elles font preuve de "fragilité scientifique". Le sociologue Hugues Draelants, après avoir examiné toutes les études sur le redoublement, considère qu'elles "sont en réalité fort critiquables et fragiles d’un point de vue méthodologique et que le débat scientifique sur les effets du redoublement n’est pas tranché : il n’existe ni consensus scientifique ni résultats univoques à ce propos." Ajoutons que certaines analyses illustrent le paradoxe de Simpson, lorsque des résultats statistiques sont faussés par l'oubli d'une variable explicative importante, qui joue à la fois sur la cause et sur la conséquence. Ce qu'on appelle un facteur de confusion peut être dans notre cas : le climat scolaire, car l'effet du groupe de niveau ne sera pas le même si la classe est calme ou agitée, le niveau de pression sociale sur les élèves, par exemple à Singapour l'investissement familial dans la réussite scolaire est très important, et les cours du soir fréquents, les inégalités sociales, des caractéristiques du système comme la différence public/privé en France, la formation des enseignants, les méthodes employées etc. Le facteur de confusion appliqué au redoublement sur @ScienceEtonnante : Ceci montre la nécessité de combiner recherches quantitatives et qualitatives, à l'image de celles du sociologue Stéphane Bonnéry quand il observait les élèves en échec scolaire. Car, en se fixant pour objectif d'évaluer une méthode, quel que soit le contexte et le nombre de facteurs en jeu, on risque de produire des résultats illusoires. Cette problématique est bien connue pour les études d'impact, qui ne sont pas toujours possibles, malgré les demandes pressantes des décideurs, obnubilés par la magie du chiffre. Selon l’économiste Etienne Wasmer : « Ne tenir compte que des études rigoureuses, mais partielles, à horizon court et au champ étroit, peut conduire à un effet lampadaire : n'étudier que ce qui est éclairé. » Il prône donc un " certain équilibre" dans les méthodes employées. Qu'on ne se méprenne pas : j'apprécie les études quantitatives, notamment randomisées, je crois possible et nécessaire d'évaluer des aspects des politiques publiques. Simplement, cela confère une responsabilité aux scientifiques, qui doivent expliciter leurs manière d'atteindre un résultat et admettre sa contingence. Par exemple, l'épisode du Covid a montré à la fois la capacité des scientifiques à produire un vaccin en un temps record et leurs hésitations et controverses sur les décisions politiques à court terme (faut-il reconfiner ? etc.) Lire aussi : Toutes les publications et interviews de Laurent Frajerman sur les questions de politique éducative Les méta-méta analyses Aujourd'hui, la mode est à la méta-analyse. L'une d'elle, fréquemment citée, provient de John Hattie, professeur à l'université de Melbourne, qui s’appuie sur plus de 2 100 méta-analyses portant sur les résultats scolaires, provenant de plus de 130 000 études. Elles ont été réalisées avec la participation de plus de 400 millions de jeunes âgés de 3 à 25 ans, principalement dans les pays développés. A l'évidence, la quantité constitue un argument choc. Ces méta-analyses correspondent à la pêche au chalut : le chercheur récupère tous les travaux, quelle que soit leur qualité et les raisons pour lesquelles ils ont été menés. Implicitement, il espère que leur masse et leur réduction à quelques données chiffrées noiera ces défauts. Mais une erreur ne devient pas une vérité parce qu'elle est répétée 100 000 fois. Pire, ces analyses d'analyses d'analyses, finissent par devenir de purs artefacts, à force d'éliminer des facteurs. A chaque étape du processus, le chercheur opère des choix, aplatit la réalité pour pouvoir la quantifier. Ces simplifications successives altèrent le résultat. Quand elles concernent des comparaisons internationales, l'écart entre les contextes devient très problématique. Ainsi, les économistes de l'éducation du consortium IDEE présentent le programme "Teaching At the Right Level" comme un exemple pour le système scolaire français. Développé par l'ONG indienne Pratham, promu par Esther Duflo, il s'adresse à des enfants illettrés, et n'a été mis en pratique dans aucun pays développé. Que cette expérience nous aide à réfléchir sur notre réalité, certainement, mais de là à en faire un modèle... Les méta-analyses et études d'impact peuvent fonctionner sur des objets simples, comme le niveau en mathématiques (en admettant une marge d'erreur, et en omettant les controverses entre scientifiques), beaucoup moins sur des objets complexes comme les méthodes pédagogiques ou la gestion des flux d'élèves. On a pu le constater avec la question des effectifs de classe. Des années durant, les études internationales ont légitimé les économies budgétaires en affirmant que la taille des classes ne comptait pas. Puis d'autres études ont affirmé l'inverse... Un cas : l’hétérogénéité des classes Prenons un autre exemple, le principe d’hétérogénéité des classes (qui comportent des élèves de niveaux variés). Des économistes de l'éducation (dont Yann Algan, Julien Grenet et Marc Gurgand, membres du CSEN) ont reproché au ministre de dédaigner leurs conclusions, favorables aux seuls regroupements temporaires et basées sur ces méta analyses : "les regroupements permanents, tels que les classes de niveau, sont inefficaces, même s’ils sont limités à certains cours" (Le Monde, 4 décembre 2023). Or leur propre synthèse est beaucoup plus prudente : Cela n'empêche pas cette équipe de prôner dans sa tribune "un investissement conséquent dans la formation initiale et continue des enseignants afin de les doter des compétences nécessaires" pour la différenciation pédagogique. Résumons : nous sommes certains que l'homogénéité ne marche pas, et si l’hétérogénéité n'a pas fonctionné non plus, alors c'est de la faute des enseignants ! Ajoutons que l’hétérogénéité, notion réifiée par ces chercheurs, est toujours relative. Autrement dit, on peut l’encourager au sein de classes préparatoires aux grandes écoles, tout en étant très loin d'un enseignement commun à tous.... Le sociologue Pierre Merle rappelle à juste titre les écarts considérables qui existent entre les établissements scolaires, du fait de la ségrégation sociale et de l'existence de l'école privée. Dans des contextes si différents, l’hétérogénéité ne revêt pas le même sens. Prétendre qu'une enquête disqualifie ad vitam aeternam des groupes d'élèves plus homogènes me paraît donc exagéré. Ainsi, une enquête de la DEPP citée à charge contre les classes de niveau porte seulement sur les élèves de lycée, pour lesquels une sélection a déjà eu lieu. Comme souvent quand les experts doivent présenter leurs résultats à la communauté scientifique, l'article multiplie alors les conditionnels, les précautions. Il faut dire que les résultats ne sont pas tranchés : « L’effet prédit d’une [harmonisation de] la composition des classes au sein d’un établissement et d’une série demeure cependant faible. » Où mettre le curseur de la "bonne" hétérogénéité ? A quel âge ? Ainsi, sa version intégrale consiste à scolariser ensemble toute une classe d'âge, jeunes porteurs de handicap compris. Les théoriciens de l'inclusion, constatant que cette perspective n'est pas réaliste dans le système actuel, proposent donc de le redéfinir entièrement. Les autres réflexions se situent dans le cadre classique, mais avec de nombreuses nuances. On peut tout à fait défendre les classes hétérogènes au collège et soutenir qu'il est positif d'orienter les élèves dans trois voies différentes au lycée (générale, professionnelle et technologique). Un sociologue, Aziz Jellab, présente le lycée professionnel comme une institution "qui a consacré l’innovation ou l’invention pédagogique comme une nécessité permettant de lutter contre l’échec scolaire". Dans ce cas, la création d'une filière distincte ne stigmatiserait pas des élèves ayant, "pour beaucoup, connu des difficultés scolaires au collège, voire dès l’école primaire". C'est la thématique de la seconde chance. Mais justement, d'autres sociologues préconisent la fusion de ces filières, au nom de la démocratisation... Cet exemple démontre que les recherches procèdent à de multiples choix, rarement explicités, alors qu'ils influent leurs résultats. D'autant que les différents intervenants dans ces débats n'ont pas toujours des objectifs concordants. L'essence du système scolaire est de transmettre le savoir et les outils pour apprendre, ses autres fonctions de socialisation peuvent être assumées par diverses institutions. En cohérence avec cela, ses agents, les enseignants, accordent de l’importance à la valeur Travail, au fait que tous les élèves, y compris les meilleurs, soient stimulés. Cela correspond d’ailleurs à un besoin essentiel pour une économie moderne. Or, de nombreux chercheurs mettent en avant d’autres valeurs, qu'ils mobilisent pour leur évaluation : la lutte contre les inégalités sociales, le bien-être, le civisme etc. Décider de l'objectif prioritaire relève du politique, d'un choix de société. Qu'il soit éclairé par la science est nécessaire, mais à condition d'admettre que celle-ci ne peut pas répondre à toutes les questions si facilement.
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- tribune Le Monde : la panne de la démocratisation scolaire
Tribune dans Le Monde , 16 janvier 2024 « Si le récit égalitaire perdure, l’Etat organise une forme d’optimisation scolaire » Comment relancer la démocratisation de l’enseignement scolaire alors que quatre types d’école cohabitent, s’interroge, dans une tribune au « Monde », le chercheur et spécialiste des enseignants Laurent Frajerman. « Le rêve de l’école commune s’éloigne », estime-t-il. L’ancien ministre Gabriel Attal avait annoncé, en novembre 2023, avant sa nomination comme premier ministre le 9 janvier, un important train de mesures pour réformer l’éducation nationale, incluant d’aborder la « question du tabou du redoublement » et de créer des groupes de niveau au collège. Au regard des enquêtes internationales, personne ne conteste plus la baisse du niveau des élèves français, même de ceux qui figurent parmi les meilleurs. L’ex-ministre en avait conclu que l’enseignement doit se montrer plus exigeant, ce qui correspond à un sentiment très majoritaire. Outre les menaces qu’elles font peser sur la liberté pédagogique, on peut douter que les mesures soient à la hauteur de l’enjeu. Toutefois, ces critiques ne peuvent dissimuler que cela fait plus de dix ans que la dynamique positive qui a démocratisé l’école française a disparu. La panne du modèle actuel, miné par la ségrégation sociale et des cures d’austérité à répétition, impose des changements. Tout l’enjeu étant de savoir si c’est pour revenir aux années 1950 ou pour relancer sa démocratisation. Lire aussi : Tribune de Laurent Frajerman dans Le Monde , 31 mai 2022 : « Espérons que le nouveau ministre de l’éducation se rendra à l’évidence : tout ne peut pas se gouverner par les nombres » Les politiques éducatives menées depuis le général de Gaulle œuvraient pour la scolarisation de tous les élèves du même âge dans une structure identique, dans l’objectif de leur délivrer le même enseignement. En conséquence, les classes ont été marquées par une hétérogénéité croissante, avec son corollaire : une baisse d’exigence, afin de faciliter l’accès de tous les élèves aux anciennes filières élitistes. Avec succès, puisque l’accès aux études a été considérablement élargi. Cela s’accompagne du passage presque automatique en classe supérieure. A la fin des années 1960, le redoublement constituait la règle : un tiers des élèves redoublait la classe de CP, contre 1,3 % aujourd’hui. En 2021, seulement 12 % des élèves arrivaient en seconde avec du retard. Devenu résiduel, le redoublement a changé de nature, ne concernant plus que des élèves en forte difficulté, qu’elle soit structurelle ou conjoncturelle. Classes moyennes supérieures Les enseignants affichent leur scepticisme. Ils ne considèrent pas le redoublement comme une recette miracle, car il peut générer ennui et découragement. Toutefois, ils se trouvent démunis devant l’écart grandissant entre les meilleurs élèves, qu’il faut stimuler, et ceux qui cumulent les difficultés de compréhension. Ils constatent que plus les années de scolarité passent, plus l’échec s’enkyste, moins la notion de travail scolaire ne revêt de sens, générant quelquefois une attitude perturbatrice. Gabriel Attal en a tiré d’ailleurs argument pour dénoncer l’absurdité de cette situation et la souffrance qu’elle génère pour les élèves. Nombre d’enseignants vivent une situation d’autant plus ingérable que, paradoxalement, si l’affichage est homogène, le rêve de l’école commune s’éloigne. Lire aussi : Billet de Laurent Frajerman sur son blog, 27 décembre 2023 : "Les enseignants et la réforme Attal. Hétérogénéité, redoublement, compétences..." Jusque-là, la sociologie de l’éducation dénonçait les limites de cette politique de massification. Les inégalités sociales étant structurelles, le système est d’abord soumis aux effets de la ségrégation spatiale. Quoi de commun entre un collège en éducation prioritaire et un autre situé en centre-ville d’une métropole ? Quatre types d’école cohabitent, donc : l’école publique normale, celle en éducation prioritaire, l’école publique élitiste, et l’école privée. Aujourd’hui, avec le développement d’un marché scolaire, nous vivons une nouvelle phase. L’Etat aggrave la fracture existante en créant des établissements dérogatoires et de nouvelles filières élitistes sélectionnant par les langues, critère socialement discriminant. Pire, il subventionne massivement sa propre concurrence, l’enseignement privé. Le privé accueille de plus en plus d’élèves des milieux favorisés, au détriment de la mixité sociale. Les difficultés se concentrent alors dans l’école publique « normale » ou prioritaire . Seules à supporter réellement les contraintes de la démocratisation, celles-ci n’en sont que plus répulsives pour les classes moyennes et supérieures, générant un terrible cercle vicieux. Si le récit égalitaire perdure, l’Etat organise en réalité une forme d’optimisation scolaire au détriment de ceux qui n’ont pas d’échappatoire. Depuis une quinzaine d’années, les enquêtes internationales nous alertent sur l’aggravation du poids des inégalités sociales dans les résultats scolaires. Ce constat est dissimulé par l’invisibilisation de la compétition. D’un côté, les notes ont été remplacées par les compétences, de l’autre, elles connaissent une inflation qui, malheureusement, ne reflète pas une hausse du niveau réel. En 2022, 59 % des bacheliers ont obtenu une mention. Ils étaient moins de 25 % en 1997… Le flou qui en résulte bénéficie aux familles les plus informées sur la règle du jeu, ou capables de payer coachs et cours particuliers. Politique éducative « discount » Le second vice de fabrication de la démocratisation scolaire est son caractère « discount ». Par exemple, l’argent économisé par la quasi-suppression du redoublement n’a guère été réinvesti dans des dispositifs permettant d’épauler les élèves en difficulté. Autrefois, les enseignants encadraient les élèves dans leurs exercices et l’apprentissage du cours en dehors des heures de classe. Aujourd’hui, ce type de travail est généralement confié à des étudiants bénévoles ou à des animateurs ou surveillants peu qualifiés. Même dans le dispositif « Devoirs faits » en collège, la présence d’enseignants est optionnelle. De nombreux choix proviennent de la rationalisation budgétaire : chasse aux options, suppression progressive des dédoublements de classe. Par exemple, en 2010, un élève de 1re L avait obligatoirement six heures de cours en demi-groupe (en français, langues, éducation civique, mathématiques et sciences). Aujourd’hui, les établissements ont toujours la latitude de créer de tels groupes, mais en prenant dans une enveloppe globale qui se réduit d’année en année et sans qu’un nombre maximum d’élèves ne soit prévu. Le pouvoir d’achat des enseignants a baissé d’environ 20 %, source d’économie massive sur les salaires. Les effets commencent seulement à en être perçus : crise du recrutement, hausse exponentielle des démissions et professeurs en place démotivés par le déclassement de leur métier. Les promoteurs de cette politique leur préfèrent des enseignants précaires et sous-qualifiés, sommés de suivre les injonctions pédagogiques du moment. Remarquons que ces contractuels sont nettement plus nombreux dans les établissements difficiles de l’enseignement public… Depuis 2002, les gouvernements de droite et de centre droit suppriment des postes d’enseignant. Malgré le redressement opéré sous François Hollande, le solde reste négatif, avec moins 36 500 postes. Le second degré a été particulièrement affecté, avec un solde de moins 54 700 postes, au nom de la priorité au primaire. Un maillon essentiel de la chaîne éducative a donc été fragilisé, alors que c’est le lieu de maturation des contradictions du système. Quel sens cela a-t-il d’habituer un élève de REP + à des classes de quinze élèves pour, devenu adolescent, le mettre dans une classe de vingt-cinq au collège ? Ces politiques de ciblage, censées produire des résultats visibles à un moindre coût, créent souvent inégalités et incohérences. Aujourd’hui, la France dépense 1 point de moins du PIB pour l’éducation qu’en 1995. Si on appliquait aujourd’hui les ratios en usage à l’époque, le budget consacré à l’avenir du pays augmenterait de 24 milliards d’euros, dont 15,5 milliards d’euros dépensés par l’Etat. Ce sous-investissement chronique se paie par la crise de notre système scolaire. Un débat sans arguments d’autorité s’impose donc, sous peine que les idéaux généreux et les politiques cyniques aboutissent définitivement à une école à plusieurs vitesses, dans laquelle les classes populaires seront assignées à un enseignement public dégradé. Laurent Frajerman est professeur agrégé d’histoire au lycée Lamartine, sociologue, chercheur associé au Centre de recherches sur les liens sociaux, université Paris Cité Lire aussi : Billet de Laurent Frajerman sur son blog, 29 décembre 2023 :" Réforme Attal : le hiatus entre les enseignants et la recherche dominante en éducation"
- dossier La Pensée | Laurent Frajerman
Laurent Frajerman (dir.) Penser et faire l’école , dossier de la revue La Pensée n°357, janvier/mars 2009 mon article le numéro complet Comptes rendus la vie des idées .fr Séverine Chauvel , 11 novembre 2009 Consulter Présentation L’école est au cœur d’enjeux capitaux : transmission, insertion professionnelle, rapport à l’individu, etc… Ce n’est pas un hasard si Sarkozy lui accorde une telle importance et pousse son ministre de l’éducation nationale à appliquer ses projets funestes, malgré le risque d’impopularité qui en découle. Non content de faire subir à l’école une cure d’austérité sans précédent, Xavier Darcos tente d’imposer une pédagogie officielle aux professeurs des écoles, détruit la carte scolaire afin de renforcer la ségrégation, s’attaque aux structures d’éducation prioritaire. Les contours de son projet réactionnaire se précisent peu à peu, élément après élément. Xavier Darcos prétend s’appuyer sur l’exemple finlandais, égalitaire, pour mieux imposer une école anglo-saxonne, néo-libérale, différente selon les établissements et leurs publics. Ainsi, son projet de réforme des lycées consiste en une tentative d’imposer une baisse des exigences scolaires (objectif du zéro redoublement). La semestrialisation des cours porterait un coup au groupe classe, renforçant l’anonymat des élèves auprès des professeurs. Le retrait de cette réforme montre que le ministre peut être contré. Mais alors, pourquoi les forces progressistes tardent-elle tant à se mobiliser à la hauteur de l’agression contre l’un des fondements du pacte républicain ? D’abord parce que leur propre projet de transformation de l’école est en crise, en lien avec l’approfondissement de la crise du capitalisme et de la société française. Dans la liste des mesures établie plus haut, nombre de progressistes réprouvent fortement un item, tout en approuvant un autre. Les réponses à apporter sont en effet loin d’être univoques, et la division des progressistes sur l’école en camps reflète des tensions objectives (article de Laurent Frajerman). Pour traiter cette question, La Pensée a donc engagé un dialogue entre toutes les conceptions progressistes, en replaçant les problèmes dans leur profondeur historique. Ainsi, Guy Coq invite à repenser la place de la culture dans l’institution scolaire, en cessant de refouler la logique élitaire, aussi légitime que la logique égalitaire. Antoine Prost considère plutôt que la gauche a pêché par absence de volonté d’imposer la démocratisation complète de l’école et les pédagogies nouvelles, notamment lorsque le plan Langevin-Wallon a été enterré. Christian Laval replace ce débat dans une perspective mondiale, celle d’une école néo-libérale, dont les objectifs diffèrent profondément de l’idéal de formation du citoyen. Ce débat repose aussi sur des perspectives empiriques. Il importe de ne pas dessaisir les acteurs du système scolaire, et de s’appuyer sur leur réflexivité. La sociologie fournit des matériaux pour affiner le diagnostic, qu’il s’agisse de l’analyse du travail scolaire (Anne Barrère), de l’attitude des professeurs confrontés à l’évolution des publics scolaires (Jérome Deauviau), ou encore du douloureux problème de l’échec scolaire (Stéphane Bonnéry). Compte-rendu de Vincent Troger dans Sciences Humaines , n° 205, juin 2009 La revue propose dans sa dernière livraison un dossier éclectique et stimulant sur l’école contemporaine. Laurent Frajerman et Guy Coq y soulignent les contradictions de la pensée scolaire de gauche, écartelée entre une visée méritocratique et une visée égalitaire. Antoine Prost apporte à cette analyse le recul de l’histoire en révélant les origines de l’hostilité d’une partie de la gauche aux méthodes pédagogiques novatrices. L’enquête de Jérôme Deauvieau poursuit la réflexion en interrogeant les opinions et les pratiques des professeurs du secondaire confrontés aux conséquences de la massification. Il montre que les choix pédagogiques des enseignants face aux élèves en difficulté sont relativement indépendants de leurs positions politiques. Dans une synthèse de ses recherches antérieures, Anne Barrère pointe cette autre conséquence de la massification qu’est le fréquent malentendu entre les enseignants et leurs élèves à propos du travail scolaire : quand les uns espèrent de l’autonomie et de l’intérêt pour leur cours, les autres attendent du soutien et des bonnes notes. Stéphane Bonnéry clôt le dossier par une interrogation critique sur l’efficacité des pédagogies individualisées désormais prônées par l’institution. Il démontre qu’elles peuvent, autant que les pédagogies traditionnelles, empêcher les élèves en difficulté de faire le lien entre la réalisation d’une série de tâches scolaires ponctuelles et l’acquisition durable d’un savoir constitué. Tout dépend en définitive de la compétence des enseignants. De ce point de vue, on peut emprunter la conclusion à L. Frajerman : « L’enseignement de masse repose sur une masse d’enseignants, qui ne peuvent tous être les individus d’élite dont rêvent les rénovateurs pédagogiques. »
- refondation école, la déception | Laurent Frajerman
Laurent Frajerman, "Refondation de l'école, la déception enseignante" Année de la recherche en sciences de l’éducation , décembre 2017, p. 179-189 Il y a seulement cinq ans, un tournant progressiste de l’école était annoncé ubi et orbi par un ministre omniprésent dans les média. Au-delà du lyrisme auquel nous ont habitué les ministres de l’éducation nationale (qui se souvient que Luc Châtel avait annoncé une révolution de la personnalisation, succédant à l’œuvre de Jules Ferry et de Gaulle ?), Vincent Peillon avait bien suscité un espoir, grâce à sa longue préparation au poste, à sa méthode inédite associant tous les acteurs du système, à l’annonce de 60 000 créations de postes. 46 % des enseignants avaient voté pour François Hollande au premier tour et 80 % au second (sondage IFOP Le Monde, 2012). Le taux de grévistes reculait fortement. 45 % des professeurs de lycée et collège refusaient « de fragiliser le gouvernement en remettant en cause ses réformes » (sondage CSA/SNES, 2013). Comment expliquer alors la facilité avec laquelle l’actuel locataire de la rue de Grenelle efface les points saillants du quinquennat précédent en matière éducative ? Pire, revenir sur les réformes du collège et des rythmes scolaires représente pour lui le moyen d’engranger popularité et soutien pour ses projets, nettement plus libéraux au demeurant. L’échec flagrant de ces deux réformes n’était pas écrit d’avance. Les enseignants et leurs organisations ont combattu nombre de réformes qu’ils se sont appropriées dans un second temps, jusqu’à les défendre lorsqu’elles étaient remises en cause. La raison importe peu dans le cadre de cet article : soit la réforme était mal comprise, soit l’action syndicale avait permis de l’améliorer, soit les effets pervers redoutés initialement ne s’étaient pas manifestés, ou enfin la force d’inertie du système avait neutralisé la réforme… Ce fait souligne juste que les réformes des rythmes et du collège ont au contraire connu une opposition croissante. Les enseignants n’ont d’ailleurs accordé en 2017 que 15 % de leurs suffrages à Benoît Hamon soutenu par les verts (sondage IFOP/SOS éducation). Un score divisé par trois ! Leur déception mérite donc réflexion. Nous analyserons d’abord la mise en œuvre de la Refondation, la profonde transformation qu’elle subit après le départ de Vincent Peillon, puis les obstacles de fond à une adhésion des enseignants au processus réformateur. Une mise en œuvre délicate Le quinquennat se divise clairement en deux périodes du point de vue éducatif, même si une cérémonie a voulu démontrer le contraire en mai 2016. Le départ prématuré de Vincent Peillon signifie son échec et provoque un changement de stratégie. Ministère et syndicats : un duo désaccordé Le Ministère (entendu comme le champ de la haute administration et du cabinet du ministre, dans des rapports de force mouvants) est toujours tenté par la mise à mort de la vieille cogestion avec les syndicats, typiques de l’éducation nationale et d’autres secteurs comme l’agriculture (Frajerman, 2014). Constatons que les deux réformes rejetées par les syndicats concernés au conseil supérieur de l’éducation ont suscité des mouvements sociaux puissants et une impopularité croissante (1). L’accord des syndicats est une condition nécessaire mais non suffisante pour espérer l’adhésion des enseignants à ses projets. Les dirigeants des grands syndicats (essentiellement UNSA éducation et FSU, et aussi SGEN CFDT et FO) ont d’abord été sensibles à la promesse d’une politique ambitieuse et progressiste, qui rompe avec l’austérité et le libéralisme conservateur des années Sarkozy. Ils avaient préparé la nouvelle politique en amont avec Vincent Peillon et son conseiller, Bruno Julliard, qu’ils connaissent bien depuis ses fonctions à l’UNEF. En 2012, la priorité au premier degré ne pouvait que sonner agréablement aux oreilles des professeurs des écoles, qui l’ont traduite automatiquement en priorité en leur faveur. La direction du SNUipp espérait beaucoup du nouveau pouvoir. Vincent Peillon avait le sentiment qu’il pouvait compter sur le soutien du syndicat majoritaire pour mettre en place rapidement une première réforme, sur les rythmes scolaires, qui s’appuyait sur un consensus assez large. Il ignorait la culture Unité & Action, faite de volontarisme dans l’action et de souplesse idéologique, qui amène quelquefois à consulter les personnels. Or la satisfaction des revendications catégorielles ayant été reportée, aucune compensation à l’allongement de la présence au travail n’a été accordée. L’incompréhension grandissante entre le ministre et le syndicat n’aida pas à trouver les gestes nécessaires pour apaiser le mécontentement grandissant des enseignants. Leur mobilisation en 2013 a paralysé la volonté de changement (Frajerman, 2017). Du côté du second degré, la volonté de concertation, le parcours professionnel du ministre (certifié puis agrégé de philosophie) rassurait ceux des PLC qui considéraient leur identité professionnelle menacée. Le SNES avait obtenu de Vincent Peillon un assouplissement de la logique du socle commun. Pour lui, l’enjeu n’est pas sémantique (l’ajout du terme culture à « socle commun de connaissances et de compétences ») mais bien stratégique : le collège n’est pas arrimé au premier degré, l’enseignement par compétence ne supplante pas l’enseignement des connaissances, disciplinaire. Ce compromis a d’ailleurs suscité l’hostilité résolue du SGEN-CFDT et du SE UNSA, qui ne se résignaient pas à voir leurs conceptions mal défendues par un gouvernement socialiste. La persistance des clivages syndicaux contraria donc le projet de Refondation. Il faut dire aussi que de grandes ambitions dans le domaine éducatif s’accordent mal avec de faibles moyens financiers. Encadré 1 : Le « décret de 50 » : leçons d’une réforme réussie Vincent Peillon a pourtant su s’attaquer à un totem enseignant, sans provoquer de mobilisation. Il a remplacé le fameux « décret de 50 » pour rationaliser la gestion des obligations de service des professeurs de lycée et collège. Certes, la mesure est limitée, puisqu’il a renoncé à son objectif de renforcer le contrôle des enseignants et d’étendre le nombre de missions que leur hiérarchie peut clairement exiger d’eux. C’était la condition pour obtenir l’abstention bienveillante du SNES, le syndicat majoritaire, qui poursuivait deux objectifs : - éliminer les inégalités générées par des curiosités telle que l’heure de cabinet (prévue pour ranger les cartes des professeurs d’Histoire-Géographie) ; inclure des disciplines créées après 1950 (certains chefs d’établissements se servaient de ce vide juridique contre les professeurs de Sciences Economiques et Sociales notamment) ; - préparer le retour prévisible de la droite, en négociant avec un ministre à l’écoute un changement statutaire qui n’augmente pas la charge de travail, qui n’inclue pas de missions obligatoires nouvelles. Le but étant de retirer à la droite l’argument du « statut qui n’a pas changé depuis 70 ans » Le SNES a payé son attitude constructive aux élections professionnelles, car 71 % des enseignants s’estimaient mal informés sur un projet que 54 % rejetaient par mesure de précaution (sondage SNES-CSA, 2014). Le syndicat n’a pas réussi à expliquer sa position, mais les inquiétudes sont désormais dissipées. A mon sens, cette réforme délicate a réussi parce qu’elle a été pilotée dans le dialogue social et restreinte à des objectifs réalistes. La deuxième période : Benoît Hamon / Najat Vallaud Belkacem L’arrivée de Benoît Hamon et surtout de Najat Vallaud Belkacem a changé la donne. Ils se sont attelés à solder le contentieux avec les professeurs des écoles en aménageant la réforme des rythmes et en leur accordant une revalorisation non négligeable. Mais les nouveaux ministres ont ouvert un second front, dans le second degré. En s’appuyant sur des syndicats nettement minoritaires dans le secteur, en opposant camp de la réforme et camp du refus, ils ont remis le SNALC et FO dans le jeu et durci le climat. Une des explications réside dans leur faible connaissance des dossiers éducatifs qui les a rendu dépendants de leur haute administration et des organisations situées dans la sphère du PS (UNSA et Ligue de l’Enseignement notamment). Najat Vallaud Belkacem a ainsi refusé tout dialogue social dans le second degré, lors de la réforme du collège. Alors qu’habituellement, les équilibres sont trouvés lors des discussions préalables, la rapidité d’élaboration du projet l’a contrainte à l’amender ultérieurement, publiquement, sur des aspects importants tels que l’existence des classes bilangues et du latin. Elle n’est pas parvenue à gommer une image qui a provoqué d’innombrables joutes intellectuelles. Les enseignants ont été moins sensibles à ce débat rituel qu’à un problème pratico-pratique : le rôle joué par ces enseignements – pourtant élitistes - dans la mixité sociale des établissements difficiles. Loin d’être l’apanage des beaux quartiers, ils servent aussi à retenir les élèves des classes moyennes, sans obligatoirement aboutir à des classes de niveau. Cela soulève un débat passionnant pour les sciences de l’éducation : comment concrètement combattre les inégalités sociales à l’école ? L’uniformité ne fonctionne pas, on le sait depuis « les héritiers », mais la ségrégation a des effets encore plus redoutables. Ce cas montre une certaine méconnaissance par le Ministère du terrain, des efforts d’adaptation des acteurs locaux. D’abord, celui-ci assimilait le latin à un outil de sélection, ce qu’il était incontestablement jusque dans les années 1960, lorsqu’il a été remplacé par les mathématiques (Frajerman, 2007). Bien sûr, si la fonction sociale de l’enseignement du latin a changé, il reste à appréhender son utilité scolaire, mais les caricatures n’y aident pas. Ensuite, le Ministère ne connaissait que les classes bilangues des établissements de centre-ville, et pensait effectuer un acte de justice sociale en les supprimant. Notons que celles de Paris ont finalement toutes été préservées, alors que 40 % de celles de l’académie de Créteil ont disparu. Les familles aisées savent se faire entendre. Enfin, l’enseignement privé, qui a réussi l’exploit de fournir le modèle de gouvernance de la réforme et de profiter de l’opposition qu’elle a suscité. D’un côté, le secrétaire général adjoint de l’enseignement catholique assurait un soutien sans faille : « Elle fait l’unanimité dans nos rangs, car elle correspond à ce que nous revendiquons depuis des années : laisser plus d’autonomie aux chefs d’établissement. Cette réforme, on va l’appliquer, et avec enthousiasme ! » (2) De l’autre, de nombreux établissements privés ont basé avec succès leur publicité sur la non application de la réforme. Encadré 2 : Une communication qui stimule le sentiment de mépris et catalyse le mécontentement. On sait avec Axel Honneth (2006) l’importance des éléments symboliques dans les mobilisations sociales, le risque qu’une attitude jugée méprisante fait courir au pouvoir. Or, la communication ministérielle a pris de plus en plus nettement ce tournant, creusant le fossé avec les enseignants. Ainsi, les déclarations de NVB sur l'ennui des élèves ne pouvaient que les braquer. Prenons l’exemple d’un dessin publié sur Tweeter par le service d’information de Matignon : Ce dessin ne pouvait qu’être contreproductif. Qui pouvait sérieusement croire au miracle de la multiplication des cours en effectifs réduits, si contraire à l'expérience quotidienne ? Après une confuse bataille de chiffres entre tenants et adversaires de la réforme, les enseignants ont d’ailleurs pu vérifier la dissolution des promesses officielles dans la réalité comptable. Surtout, il jette clairement l'opprobre sur les professeurs de latin (déjà accusés par la ministre de ne faire que des déclinaisons), et réactive l’opposition éculée entre cours traditionnels ennuyants et animations ludiques. Les obstacles structurels La déception suscitée par la Refondation s’explique tout autant par ce contexte politico-institutionnel que par l’incapacité à soigner le malaise enseignant. Le repli enseignant Les recherches montrent une tendance au repli du monde enseignant sur lui-même : endogamie (Farges, 2011), habitation loin des établissements scolaires et donc des familles, chute du militantisme dans la société (aussi bien politique que dans l’éducation populaire) et corrélativement baisse de leur influence (de moins en moins d’enseignants dans les associations périscolaires ou comme élus). La profession, fragilisée par sa moindre prise sur le monde extérieur manifeste une grande sensibilité. Le sentiment d’être incompris se répand. Ainsi, les enseignants souffrent tellement de leur mauvaise image qu’ils l’exagèrent systématiquement. La Refondation s’est heurtée à une contradiction supplémentaire. D’un côté, les enseignants dénoncent l’accumulation des réformes et font état d’un besoin de sens pour justifier de nouveaux changements. De l’autre, moins politisés que les générations précédentes, ils ne s’inscrivent plus dans les grands récits, les affrontements idéologiques sur l’école. Le pragmatisme est le maître mot. Ils ont donc été peu réceptifs au discours généreux de la Refondation et se sont concentrés sur les réformes concrètes. Les corps intermédiaires (associations pédagogiques, syndicats…) comme les chercheurs n’échappent pas à la suspicion. On les écoute, on les érige en porteurs d’une parole qui se cherche, mais on ne leur donne aucun blanc-seing. Un métier en souffrance Interrogés sur le bonheur au travail, les enseignants figurent en haut des palmarès. Alors que les résultats sont catastrophiques lorsqu’on les sonde sur l’état de l’école, leur rapport à l’administration de Grenelle. La dépression, la méfiance, touche une profession entière ! Les tentatives pour introduire les méthodes du Nouveau Management Public ont manifestement joué. Les pressions hiérarchiques se sont accentués depuis les années 2000 avec pour conséquence une intensification du travail. Le contexte de forte dégradation des conditions de travail a considérablement entravé la Refondation. D’autant que, si des postes ont été créés, ils ne compensaient ni la hausse démographique ni l’hémorragie provoquée par l’équipe Sarkozy (moins 80 000 enseignants). Autant dire que les enseignants n’en ont guère ressenti les effets. Illustrons le décalage très vif entre le sommet et la base de l’éducation nationale avec l’exemple des programmes par cycles. Cette innovation s’appuie sur une réflexion poussée, l’idée de sortir de programmes jugés parcellaires et trop ambitieux pour aller vers une logique curriculaire, espérée plus cohérente et explicitant mieux les attendus (Gauthier, 2014). Le Conseil Supérieur des Programmes a donc rédigé des programmes ne fonctionnant pas par année et anticipant la fusion entre premier et second degré (le cycle 3 est à cheval entre l’école élémentaire et le collège, alors que ces enseignants ne se rencontrent guère et sont les uns polyvalents et les autres spécialisés par discipline). Un seul détail a échappé au CSP et au Ministère : rien n’a changé dans ce qui structure l’exercice quotidien du métier. Les élèves changent toujours d’enseignants chaque année, les rapports entre les disciplines n’ont pas évolué, rien n’oblige les enseignants à coopérer entre eux pour planifier un parcours d’élèves sur trois ans (exercice difficile au demeurant). Les enseignants bricolent donc pour rester dans un cadre annuel, et rejettent ce qu’ils voient comme une nouvelle lubie du sommet. Paradoxalement, avec l’inclusion et l’allongement de la scolarité, la forme scolaire traditionnelle, que beaucoup considèrent comme inadaptée aux évolutions du monde et de la technologie (Durpaire & Mabilon-Bonfils, 2014), n’a jamais concerné autant de jeunes. L’institution ne réussit pas à donner un sens positif aux mutations en cours, impactant l’identité professionnelle des enseignants. Comment leur enjoindre d’adopter des pratiques collaboratives, horizontales, en fonctionnant de manière si verticale ? Problème d’autant plus troublant qu’on observe une « résonance entre le registre modernisateur appliqué à l’administration et celui de la pédagogie » telle qu’elle est comprise par le Ministère (Aebischer, 2014). L’autonomie des établissements, renforcée par la réforme du collège, en représente un cas idéal typique. Des évolutions lourdes et non maîtrisées par l’institution Le malaise enseignant trouve en partie sa source dans une évolution impulsée depuis longtemps par la rue de Grenelle, et amplifiée à partir de Benoit Hamon. Un certain nombre de mesures concourt à modifier le climat dans les classes et à interroger le sens du travail réel des professeurs : l’inclusion, la suppression des notes pour éliminer toute sélection scolaire, l’interdiction du redoublement, la promotion d’une école bienveillante (ce qui en creux signifie le rejet de la discipline scolaire)... Toutes progressistes, justifiées par des études scientifiques, promues depuis longtemps par des militants pédagogiques, leur addition fait système et dessine un horizon problématique qu’il revient aux enseignants de gérer. La suppression de toutes les barrières destinées à préserver le niveau aboutit au passage automatique de classe en classe. Ce qui enlève un argument de poids aux enseignants pour obtenir un minimum d’efforts des élèves, d’autant qu’ils sont de plus en plus dépourvus de moyens de sanction. Seul le levier de la conviction, de l’intérêt pour le savoir scolaire subsiste. La signification de la présence dans une classe se modifie donc : les élèves sont là parce qu’ils ont l’âge requis, quel que soit leur niveau et leur implication. Les cas les plus extrêmes peuvent désormais suivre une scolarité « normale » sans avoir appris leur métier d’élève, au contraire. Comment imaginer que des adolescents tolèrent passivement leur décalage avec l’offre d’enseignement, qu’il provienne de leur rejet des contraintes de la relation pédagogique collective ou de leur incompréhension totale du contenu des cours ? Comment transmettre le goût du travail dans ces conditions ? Certes, on pouvait espérer que les enseignants réussissent à gérer cette situation au moyen de méthodes pédagogiques plus modernes, mais force est de constater que ce n’est pas le cas au plan global. On songe alors au film d'Arthur Hiller (Ras les profs ! ou Teachers, USA, 1984), qui décrit un lycée dans lequel les professeurs ont abandonné l'idée d’enseigner à leurs cancres d’élèves et leurs délivrent néanmoins des diplômes pour satisfaire aux évaluations municipales, jusqu’à ce qu’un ancien élève illettré et néanmoins diplômé intente un procès. Un résultat inquiétant de l’enquête PISA ne provoque curieusement guère de débat : la France est le pays où le climat de discipline est le plus dégradé au sein de l’OCDE, cet indice ayant chuté à partir de 2000, sous Claude Allègre. Je ne prétends pas en quelques lignes faire le tour du dilemme entre laxisme et autoritarisme. L’école de Jules Ferry – qu’on idéalise tant - s’autorisait à sélectionner dès l’entrée, sur la base de tests de QI. Les punitions corporelles, interdites, étaient pourtant encouragées par les familles. Aujourd’hui, le quotidien de nombre de classes est perturbé par quelques élèves, sans qu’on ne dispose de solution, puisque leur exclusion est désormais exceptionnelle. Bien rares sont les établissements qui instaurent une réflexion collective sur ces questions, la pédagogie institutionnelle est méconnue. Pour faire respecter le cadre éducatif, les personnels (enseignants, conseillers principaux d’éducation et chefs d’établissement, très mobilisés sur ces questions) sont dépourvus d’outils efficaces. Une société de plus en plus dure, inégalitaire, rêve d’un enseignement bienveillant sans s’en donner les moyens, matériels et organisationnels. Il serait temps de mettre en pratique le beau slogan du Cercle de Recherche et d'Action Pédagogiques (CRAP) : « changer la société pour changer l’école, changer l’école pour changer la société » ! Entre un système éducatif autoritaire, triant les élèves et sûr de sa légitimité et un système ouvert, flexible, bienveillant (et coûteux, si on en juge par le cas finlandais), la France est au milieu du gué. Et ses enseignants (du public, car dans le privé l’écrémage des élèves accentue la ségrégation et modifie la problématique) sont sommés de résoudre eux-mêmes ces contradictions en renouvelant leurs méthodes, sans appui institutionnel sérieux. Bien sûr, les décideurs proposent régulièrement de ressusciter la formation professionnelle, dans l’espoir un peu naïf d’enseigner les « bonnes pratiques » que les enseignants appliqueront avec zèle. L’Education Nationale dédaigne des méthodes d’accompagnement employées avec profit par d’autres métiers de la relation à autrui : groupes de parole, soutien personnalisé, supervision des pratiques par des intervenants extérieurs dont la posture valorise le non-jugement (et surtout pas par le supérieur hiérarchique !)… Comment s’étonner dans ces conditions que tant d’enseignants reproduisent des schémas élitistes, une nostalgie inutile ? Françoise Lantheaume en conclut que « le métier vit une crise d’adaptation. Les enseignants ont du mal à définir collectivement le projet qu’ils doivent porter. » (3) Conclusion « On voulait un ministre, on a eu un philosophe » lançait Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp FSU (4). Confrontée à des défis redoutables, une ambition trop grande génère de la déception. Pour réussir, la Refondation devait unir les forces favorables à la démocratisation de l’école sur un projet nouveau et forgé en commun. Une impulsion ministérielle ne pouvait suffire, la Refondation devait aussi déclencher une dynamique d’engagement à la base, fédérer les énergies enseignantes dans une démarche bottom/up. Il eut fallu pour cela des moyens, essentiels pour recruter, compenser les efforts des personnels et pour les accompagner dans l’amélioration de leurs pratiques d’enseignement. Il eut fallu une relance du dialogue social, non seulement au sommet mais à tous les échelons. Il eut fallu se risquer sur le terrain du travail, pour co-construire de nouvelles régulations, un meilleur rapport aux usagers. Le départ de Vincent Peillon a montré la force des contradictions à l’œuvre et sonné le glas de cet espoir. La deuxième période du quinquennat a vu le triomphe d’une conception plus classique, celle d’un bloc réformateur qui cherche à vaincre les résistances d’un personnel jugé conservateur et corporatiste, dédaigneux de l’intérêt de l’enfant. Celle d’une alliance entre visées pédagogiques et managériales. Cette division, cette accentuation des clivages est pain bénit pour l’actuel ministre et ses projets libéraux-conservateurs. 1 La réforme du collège a été adoptée largement par le CSE, mais les syndicats hostiles représentaient 80 % des PLC. Celle des rythmes n’avait enregistré aucun vote favorable des syndicats de PE. 2 «On appliquera la réforme du collège dans le privé, bien sûr», interview de Claude Berruer par Marie Piquemal, Libération, 18 mai 2015 3 Mal-être des enseignants : « La profession a besoin de retrouver un sens collectif », interview par Charlotte Chabas, Le Monde, 4 septembre 2017. 4 « Le style « Peillon », un certain flou », Le Monde, 2 septembre 2013, Maryline Baumard. Bibliographie Aebischer, S. (2014). Une réforme sans expert ? L'exemple du Ministère Jospin (1988-1989). Carrefours de l'éducation, 37, 47-61. Durpaire, F. & Mabilon-Bonfils, B. (2014), La fin de l'école. L'ère du savoir-relation. Paris : Presses universitaires de France. Farges, G. (2011). Le statut social des enseignants français. Revue européenne des sciences sociales, 49-1. Frajerman, L. (2007) La Fédération de l’Education Nationale face aux enjeux de l’école moyenne sous la IV° République. Cartographie d’un débat. Revue française de pédagogie, 159, 69-79. Frajerman, L. (2014). Entre collaboration et contrepouvoir : les syndicats enseignants et l’État (1945-1968). Histoire de l’éducation, 140-141, 73-91. Frajerman, L. (2017). Comment les enseignants sont passés du soutien ambivalent au rejet de la réforme des rythmes, theconversation.com. https://theconversation.com/comment-les-enseignants-sont-passes-du-soutien-ambivalent-au-rejet-de-la-reforme-des-rythmes-82794 Gauthier, R.-F. (2014). Ce que l'école devrait enseigner. Pour une révolution de la politique scolaire en France. Paris : Dunod. Honneth, A. (2006). La société du mépris. Vers une nouvelle Théorie critique. Paris : La Découverte.